Saturday, March 2, 2013

Marcel Mauss

Tous ces phénomènes sont à la fois juridiques, économiques, religieux, et même esthétiques, morphologiques, etc. Ils sont juridiques, de droit privé et publie, de moralité organisée et diffuse, strictement obligatoires ou simplement loués et blâmés, politiques et domestiques en même temps, intéressant les classes sociales aussi bien que les clans et les familles. Ils sont religieux : de religion stricte et de magie et d’animisme et de mentalité religieuse diffuse. Ils sont économiques : car l’idée de la valeur, de l’utile, de l’intérêt, du luxe, de la richesse, de l’acquisition de l’accumulation, et d’autre part, celle de la consommation, même celle de la dépense pure, purement somptuaire, y sont partout présentes, bien qu’elles y soient entendues autrement qu’aujourd’hui chez nous.

5 comments:

  1. « Essai sur le don.
    Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques. » (1902-1903)

    Article originalement publié dans l’Année Sociologique, seconde série, 1923-1924.

    par Marcel Mauss (1923-1924)

    III

    CONCLUSION DE SOCIOLOGIE GÉNÉRALE ET DE MORALE

    Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l’Université du Québec à Chicoutimi

    http://classiques.uqac.ca//classiques/mauss_marcel/socio_et_anthropo/2_essai_sur_le_don/essai_sur_le_don.html

    http://classiques.uqac.ca//classiques/mauss_marcel/socio_et_anthropo/2_essai_sur_le_don/essai_sur_le_don.pdf

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  2. Qu’on nous permette encore une remarque de méthode à propos de celle que nous avons suivie.

    Non pas que nous voulions proposer ce travail comme un modèle. Il est tout d’indications. Il est insuffisamment complet et l’analyse pourrait encore être poussée plus loin. Au fond, ce sont plutôt des questions que nous posons aux historiens, aux ethnographes, ce sont des objets d’enquêtes que nous proposons plutôt que nous ne résolvons un problème et ne rendons une réponse définitive. Il nous suffit pour le moment d’être persuadé que, dans cette direction, on trouvera de nombreux faits,

    Mais, s’il en est ainsi, c’est qu’il y a dans cette façon de traiter un problème un principe heuristique que nous voudrions dégager. Les faits que nous avons étudiés sont tous, qu’on nous permette l’expression, des faits sociaux totaux ou, si l’on veut – mais nous aimons moins le mot -généraux : c’est-à-dire qu’ils mettent en branle dans certains cas la totalité de la société et de ses institutions (potlatch, clans affrontés, tribus se visitant, etc.) et dans d’autres cas, seulement un très grand nombre d’institutions, en particulier lorsque ces échanges et ces contrats concernent plutôt des individus.

    Tous ces phénomènes sont à la fois juridiques, économiques, religieux, et même esthétiques, morphologiques, etc. Ils sont juridiques, de droit privé et publie, de moralité organisée et diffuse, strictement obligatoires ou simplement loués et blâmés, politiques et domestiques en même temps, intéressant les classes sociales aussi bien que les clans et les familles. Ils sont religieux : de religion stricte et de magie et d’animisme et de mentalité religieuse diffuse. Ils sont économiques : car l’idée de la valeur, de l’utile, de l’intérêt, du luxe, de la richesse, de l’acquisition de l’accumulation, et d’autre part, celle de la consommation, même celle de la dépense pure, purement somptuaire, y sont partout présentes, bien qu’elles y soient entendues autrement qu’aujourd’hui chez nous. D’autre part, ces institutions ont un côté esthétique important dont nous avons fait délibérément abstraction dans cette étude : mais les danses qu’on exécute alternativement, les chants et les parades de toutes sortes, les représentations dramatiques qu’on se donne de camp à camp et d’associé à associé ; les objets de toutes sortes qu’on fabrique, use, orne, polit, recueille et transmet avec amour, tout ce qu’on reçoit avec joie et présente avec succès, les festins eux-mêmes auxquels tous participent ; tout, nourriture, objets et services, même le « respect », comme disent les Tlingit, tout est cause d’émotion esthétique et non pas seulement d’émotions de l’ordre du moral ou de l’intérêt. Ceci est vrai non seulement de la Mélanésie, mais encore plus particulièrement de ce système qu’est le potlatch du Nord-Ouest américain, encore plus vrai de la fête-marché du monde indo-européen. Enfin, ce sont clairement des phénomènes morphologiques. Tout s’y passe au cours d’assemblées, de foires et de marchés, ou tout au moins de fêtes qui en tiennent lieu. Toutes celles-ci supposent des congrégations dont la permanence peut excéder une saison de concentration sociale, comme les potlatch d’hiver des Kwakiutl, ou des semaines, comme les expéditions maritimes des Mélanésiens. D’autre part, il faut qu’il y ait des routes, des pistes tout au moins, des mers ou des lacs où on puisse se transporter en paix. Il faut les alliances tribales et intertribales ou internationales, le commercium et le connubium.

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  3. Ce sont donc plus que des thèmes, plus que des éléments d’institutions, plus que des institutions complexes, plus même que des systèmes d’institutions divisés par exemple en religion, droit, économie, etc. Ce sont des « touts », des systèmes sociaux entiers dont nous avons essayé de décrire le fonctionnement. Nous avons vu des sociétés à l’état dynamique ou physiologique. Nous ne les avons pas étudiées comme si elles étaient figées, dans un état statique ou plutôt cadavérique, et encore moins les avons-nous décomposées et disséquées en règles de droit, en mythes, en valeurs et en prix. C’est en considérant le tout ensemble que nous avons pu percevoir l’essentiel, le mouvement du tout, l’aspect vivant, l’instant fugitif où la société prend, où les hommes prennent conscience sentimentale d’eux-mêmes et de leur situation vis-à-vis d’autrui. Il y a, dans cette observation concrète de la vie sociale, le moyen de trouver des faits nouveaux que nous commençons seulement à entrevoir. Rien à notre avis n’est plus urgent ni fructueux que cette étude des faits sociaux.

    Elle a un double avantage. D’abord un avantage de généralité, car ces faits de fonctionnement général ont des chances d’être plus universels que les diverses institutions ou que les divers thèmes de ces institutions, toujours plus ou moins accidentellement teintés d’une couleur locale. Mais surtout, elle a un avantage de réalité. On arrive ainsi à voir les choses sociales elles-mêmes, dans le concret, comme elles sont. Dans les sociétés, on saisit plus que des idées ou des règles, on saisit des hommes, des groupes et leurs comportements. On les voit se mouvoir comme en mécanique on voit des masses et des systèmes, ou comme dans la mer nous voyons des pieuvres et des anémones. Nous apercevons des nombres d’hommes, des forces mobiles, et qui flottent dans leur milieu et dans leurs sentiments.

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  4. http://fr.wikipedia.org/wiki/Fait_social_total

    Fait social total

    C’est un outil méthodologique créé par Marcel Mauss.

    Il a pour principe de laisser l’objet d’étude se dévoiler lui-même, c’est-à-dire que c’est l’individu qui donne un sens à sa pratique, et non le chercheur. Il y a là un principe heuristique, d’accès à la connaissance.

    Les faits totaux sociaux sont « ceux où s’expriment à la fois et d’un coup toutes les institutions », c’est-à-dire où l’objet nécessite qu’on se penche sur tous les domaines de la vie sociale (religion, politique, économie, histoire, esthétique…). Mauss illustre cela dans son essai sur le don et contre don en prenant l’exemple de prestation totale de la Kula et du potlatch. Pour lui, la société s’étudie dans son ensemble par une décomposition, puis une recomposition du tout. Ce sont des systèmes sociaux entier, des touts, dont on doit chercher à recomposer le sens en décrivant leur fonctionnement.

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  5. Social Fact

    http://en.wikipedia.org/wiki/Social_fact

    Mauss’s total social fact

    For Marcel Mauss (Durkheim’s nephew and sometime collaborator) a total social fact (French fait social total) is “an activity that has implications throughout society, in the economic, legal, political, and religious spheres”. Diverse strands of social and psychological life are woven together through what he comes to call ‘total social facts’. A total social fact is such that it informs and organizes seemingly quite distinct practices and institutions.

    The term was popularized by Marcel Mauss in his classic The Gift:
    “These phenomena are at once legal, economic, religious, aesthetic, morphological and so on. They are legal in that they concern individual and collective rights, organized and diffuse morality; they may be entirely obligatory, or subject simply to praise or disapproval. They are at once political and domestic, being of interest both to classes and to clans and families. They are religious; they concern true religion, animism, magic and diffuse religious mentality. They are economic, for the notions of value, utility, interest, luxury, wealth, acquisition, accumulation, consumption and liberal and sumptuous expenditure are all present…”

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